Revue de presse – « L’exode portugais », article de Cristina Semblano dans Libération

L’économiste Cristina Semblano signe cette semaine un article dans Libération consacré à l’émigration portugaise, en forte hausse depuis le début de la crise économique. La professeure de l’Université Paris IV – Sorbonne y écrit notamment que :

« Dans les années 60, les Portugais fuyaient la misère, la dictature et la guerre coloniale. Aujourd’hui, à cinquante années de distance et une révolution étant passée par là, que fuient-ils ces Portugais de tous âges, de toutes qualifications, qui partent seuls ou en famille, par milliers ? Ils fuient le chômage, l’absence de perspectives, la promesse de misère ou de non-vie d’un pays soumis à la dictature de la troïka ».

L’article est consultable sur le site du journal Libération.

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Le 18 janvier 1934 et la révolte de Marinha Grande

 18 janvier 1934Ce samedi, le Portugal commémorait les 80 ans de la révolte des ouvriers du 18 janvier 1934 contre l’instauration du régime d’António de Oliveira Salazar. Marinha Grande, ville du district de Leiria, était alors au centre de ce soulèvement populaire. Après l’entrée en vigueur de la Constitution de l’État Nouveau salazariste en avril 1933, le régime s’attaque aux libertés syndicales en faisant approuver un nouveau statut du travail en septembre de cette même année. Les divers syndicats alors présents dans le pays refusent de se soumettre à cette nouvelle législation et organisent une riposte de grande ampleur le 18 janvier 1934.

Plusieurs villes du pays voient ainsi se mobiliser les ouvriers de toutes tendances (anarchistes, communistes et socialistes) contre le régime autoritaire alors naissant. À Coimbra, plusieurs bombes neutralisent la centrale électrique. Dans le Sud du pays, les ouvriers lancent des grèves locales et occupent les sièges des syndicats fermés par le régime. Mais c’est à Marinha Grande que le mouvement aura le plus d’impact. Dans cette ville intimement liée à l’industrie du verre, les ouvriers prennent au petit matin la caserne de la Garde Nationale République et le bâtiment de la Poste. Dans le même temps, plusieurs bridages coupent les lignes ferroviaires et isolent la cité. Durant quelques heures, les ouvriers contrôlent la ville et déclarent même le « soviet de Marinha Grande ». Lire la suite

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Eusébio da Silva Ferreira (1942-2014)

Eusébio (Portugal)Le Portugal a décrété ce lundi trois jours de deuil national pour rendre hommage à Eusébio, l’un des plus grands joueurs de l’histoire du football, décédé ce dimanche 5 janvier à l’âge de 71 ans. La mort de la « panthère noire », victime d’un arrêt cardio-respiratoire, a soulevé une forte émotion parmi les portugais, chez qui il reste une idole. Attaquant de grande classe, Eusébio restera lié à l’histoire du Benfica Lisbonne, club qu’il a représenté pendant 15 saisons, remportant notamment 11 championnats, 5 coupes du Portugal et une Coupe des clubs champions européens, l’ancêtre de la Ligue des Champions, en 1962. Ballon d’or 1965, il est le principal artisan de la troisième place de la sélection portugaise lors de la Coupe du Monde 1966 en Angleterre.

Né à Lourenço Marques (aujourd’hui Maputo) dans la colonie portugaise du Mozambique, Eusébio est transféré au Benfica de Lisbonne au cours de l’année 1960. Il s’impose comme le buteur de l’équipe lisboète, gagnant notamment deux Souliers d’or (récompensant le meilleur buteur européen) en 1968 et 1973 et intègre l’équipe nationale du Portugal dès 1961. Intimement lié au Benfica, il évolue par la suite aux États-Unis, au Mexique, au Canada et revient au Portugal au Beira-Mar et à l’União de Tomar. Véritable icône au Portugal, il dépasse largement l’audience des seuls supporters du Benfica. Depuis dimanche, les réactions à l’annonce de son décès occupent les médias et les hommages de personnalités et de nombreux anonymes se succèdent.

Eusébio avec le Benfica contre le Milan AC en 1963Considéré patrimoine national, Eusébio avait été empêché par le régime d’António de Oliveira Salazar de signer pour un club étranger. Car l’image du footballeur a été abondamment utilisée par la dictature salazariste qui se débattait alors avec les mouvements de libération en Guinée-Bissau, au Mozambique et en Angola. Le poids d’Eusébio dans la sélection portugaise de football a constitué une vitrine pour un régime pointé du doigt sur la scène internationale pour son système colonial et a été utilisé par la propagande pour vanter l’Empire lusophone. Lire la suite

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Felizmente Há Luar! de José de Sttau Monteiro. Le théâtre contre la dictature salazariste

Luis Sttau MonteiroEn 1961, José de Sttau Monteiro publie sa première pièce de théâtre Felizmente Há Luar!, oeuvre fortement ancrée dans son contexte historique. Influencé par Bertolt Brecht, le dramaturge portugais signe une pièce contestataire, en opposition au régime de Antonio de Oliveira Salazar, dominant alors le pays. Reprenant l’histoire de la tentative de révolte libérale de 1817 contre le pouvoir de William Carr Beresford, l’auteur met en parallèle les deux régimes dictatoriaux. A travers le récit de cette tentative de renversement, José de Sttau Monteiro vise en fait l’Estado Novo de Salazar.

L’analogie va plus loin avec le Général Gomes Freire de Andrade, figure symbolisant la possibilité du retour de l’indépendance et d’un régime démocratique. Le parallèle avec le Général Humberto Delgado, défait lors de l’élection présidentielle de 1958 et contraint de fuir le pays, est criante. Personnage central, Gomes Freire n’apparaît pourtant jamais directement dans la pièce. Il représente cet homme providentiel incarnant l’espoir d’un avenir nouveau. A l’instar de la campagne présidentielle de Humberto Delgado, le projet de renversement du régime porté par Gomes Freire mobilise la population et alimente les craintes des hommes du pouvoir.  Lire la suite

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Nouvelle grève générale au Portugal

ManifestationJeudi 27 juin le Portugal a été le théâtre d’une nouvelle grève générale, la quatrième depuis l’accession au Portugal du Premier Ministre Pedro Passos Coelho en juin 2011. Cette grève était convoquée par les deux principales centrales syndicales, la CGTP et l’UGT, signe d’un large consensus. Protestant contre des mesures d’austérité qui se succèdent et une situation économique qui se dégrade encore, nombre de portugais ont exprimé hier leur mécontentement. Selon Carlos Silva, récemment élu à la tête de l’UGT, le taux de grévistes était de plus de 50%, un chiffre qui dépasse ceux du 24 novembre 2011 et du 22 mars 2012. Les secteurs des transports et de la santé se sont particulièrement mobilisés.

Cette nouvelle mobilisation a lieu dans un contexte économique dramatique. Le gouvernement ne semble pas vouloir renoncer aux mesures d’austérité imposées par les créanciers du pays. Le Premier Ministre l’a d’ailleurs répété vendredi en marge du sommet européen, et prévoit même « un virage dans la tendance économique » pour la fin 2013. Mais les faits indiquent, quant à eux, une nouvelle dégradation de la situation économique et financière du pays. Le chômage a atteint plus de 18% de la population active et affecte plus d’un jeune de moins de 25 ans sur trois. Et le déficit, dont la réduction est le principal objectif du gouvernement, a connu un nouveau dérapage au premier trimestre 2013 en atteignant 10,6%, bien loin des 5,5% prévus sur l’année. Lire la suite

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L’Université de Coimbra inscrite au patrimoine mondial de l’humanité

P1070096Le 22 juin dernier, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a confirmé l’inscription de six nouveaux sites au patrimoine mondial de l’humanité. Une liste qui compte désormais le cœur historique de la ville de Coimbra : la partie haute de la ville universitaire (Alta), ainsi que la Rua da Sofia. La ville de la région Centre devient ainsi le quinzième site portugais à faire partie de cette prestigieuse liste, gage de reconnaissance et de protection du patrimoine.

Plus ancienne université du pays, fondée en 1290 et définitivement installée à Coimbra en 1537, l’Université de Coimbra est un chef-d’œuvre d’architecture. C’est aussi une institution qui a su préserver ses traditions étudiantes. La partie ancienne de l’université, composée de l’ancien Palais Royal et de la Bibliothèque Joanina, cohabite aujourd’hui avec des bâtiments datant de l’Estado Novo. La Alta, partie haute de la ville, réunit la plupart des bâtiments de l’actuelle université, mais aussi le Jardin Botanique et l’ancienne Cathédrale de Coimbra.

Carte Coimbra Alta-SofiaLa zone qui s’étend le long de la Rua da Sofia fait aussi son entrée dans la liste de l’UNESCO. Cette « rue de la sagesse » abrite les édifices de collèges religieux datant du XVIème siècle ainsi que le Monastère de Santa Cruz. « Coimbra apparaît comme un exemple remarquable de ville universitaire intégrée avec une typologie urbaine spécifique et des traditions cérémonielles et culturelles propres qui ont été perpétuées », peut-on ainsi lire sur le site de l’organisation internationale.

 

Venez visiter Coimbra en marchant !

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Le triomphe de Carlos Lopes aux Jeux Olympiques de Los Angeles de 1984

Alors que les épreuves des Jeux Olympiques de Londres 2012 se poursuivent, c’est l’occasion pour nous de revenir sur les JO de Los Angeles de 1984, durant lesquels l’athlétisme portugais a particulièrement brillé. Le principal fait marquant de ces Jeux Olympiques est le boycott des pays du bloc soviétique en réponse à la non-participation des États-Unis aux Jeux de Moscou de 1980. Les tensions entre les deux puissances se manifestent notamment à l’occasion du conflit en Afghanistan où l’URSS est militairement engagée.

Malgré ces absences, les épreuves se déroulent normalement et l’athlétisme apporte son lot d’exploits. Tout d’abord, Carl Lewis réalise l’incroyable performance de décrocher quatre médailles d’or en remportant le 100 mètres, le 200 mètres, le saut en longueur et le relai 4X100 mètres. Il égale ainsi l’autre légende Jesse Owens qui avait fait de même lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Mais les athlètes portugais connaissent eux-aussi une période faste à Los Angeles.

C’est Rosa Mota qui montre la voie à ses compatriotes en prenant une très belle troisième place au marathon. Antonio Leitao une apporte une médaille de bronze supplémentaire à la délégation portugaise en 5000 mètres. La course de fond portugaise est à l’honneur lors des JO 1984. Affirmation que confirmera Carlos Lopes lors de la dernière épreuve. Le marathonien réalise l’exploit en s’imposant en 2h09 devant l’irlandais John Treacy et le britannique Charles Speeding. Lire la suite

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« 1 % pour la culture » – La culture portugaise face à l’austérité

Depuis mars 2010 et le premier Programme de Stabilité et de Croissance (Programa de Estabilidade e Crescimento), les portugais voient se succéder les mesures d’économie,  sans amélioration de la situation économique et financière du pays. Les mesures visant à limiter les dépenses publiques se sont accélérées en 2011 avec le plan d’aide négocié avec la Troïka (Fonds Monétaire International, Commission Européenne et Banque Centrale Européenne). Avec des conséquences palpables pour le quotidien de la population : baisse des salaires et gel de l’avancement dans la fonction publique, augmentation de la fiscalité, augmentation du coût de l’accès aux soins et surtout montée en flèche du chômage et de l’émigration.

La culture n’est bien sûr pas épargnée par ce recul de la dépense publique. Depuis juin 2011 et la prise de fonction du gouvernement du Premier Ministre Pedro Passos Coelho (Parti Social-Démocrate), le Ministère de la Culture a été remplacé par un simple Secrétariat d’État. Les aides publiques à la création artistique et à la préservation du patrimoine ont fortement reculé mettant en péril le futur culturel du pays. Devant ces mesures, les signataires du Manifeste en défense de la culture tentent de mobiliser la population sur ces thématiques.

Ce manifeste réuni artistes et chercheurs dont les revendications sont proches du mouvement des indignés. Rejetant le discours dominant autour de la dette, ces signataires estiment que « cette crise n’a pas de sortie démocratique sans l’intervention déterminante des travailleurs et du peuple ». Et la culture a un rôle central à jouer dans cette démocratisation de la société. En avril dernier a été lancée la campagne « 1 % pour la culture » et des mobilisations sont prévues dans les mois qui viennent. L’objectif est bien de mobiliser les citoyens et de trouver collectivement des solutions alternatives afin de permettre une sortie de crise. Lire la suite

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Le Général Humberto Delgado, symbole de l’opposition au régime salazariste

S’il est un nom qui symbolise la résistance au régime salazariste, c’est bien celui de Humberto Delgado. Ce Général né en 1906 devient une des principales figures de l’opposition à António de Oliveira Salazar lors des élections présidentielles de 1958. Humberto Delgado a, dans un premier temps soutenu la mise en place de l’Estado Novo avec l’entrée en vigueur de la Constitution de 1933. Delgado occupe ainsi diverses fonctions en représentation du Portugal, notamment auprès de l’OTAN aux États-Unis. C’est au cours de son séjour sur le territoire américain qu’il prend ses distances avec le régime.

António Oliveira de Salazar, Premier Ministre portugais, est alors le seul maître au sommet de l’État. Le poste de Président de la République, sans réel pouvoir au sein du régime, est avant tout un poste de représentation de l’État portugais. Salazar appuie des candidats issus de la hiérarchie militaire afin de conserver le soutien de l’armée. Francisco Craveiro Lopes, militaire de métier, remplace ainsi le Maréchal Oscar Carmona en 1951. Les élections présidentielles sont alors factices dans un pays à parti unique, l’União Nacional et où la censure est sévère.

Mais lors des élections de 1958, l’opposition politique parvient à faire entendre sa voie par l’intermédiaire du Général Humberto Delgado. Ce-dernier se présente face à Américo Tomás, candidat du régime. La campagne de soutien au « Général sans peur » mobilise de nombreux portugais qui croient sa victoire possible. Humberto Delgado parcourt le pays pour appeler les électeurs au changement. Lors d’une interview à Lisbonne, il déclare qu’il destituera António de Oliveira Salazar en cas de victoire. Cette annonce en fait un homme à abattre pour le régime. Le 8 juin 1958, Humberto Delgado obtient 23,6 % des voix lors d’un scrutin entaché de fraudes massives en faveur du candidat du régime. Lire la suite

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La chanson d’intervention au Portugal. Quand la musique devient une arme

La « musique d’intervention » est un genre musical qui a vu le jour au Portugal sous la dictature portugaise comme un moyen de critiquer le régime à travers la chanson. Ce style musical prenant la forme de cantigas a connu des développements importants après la Révolution des Oeillets, devenant un espace où la parole politique prenait forme. José (Zeca) Afonso, José Maria Branco ou encore Sergio Godinho sont les noms les plus célèbres de cet art de lier politique et musique. Après le 25 avril 1974, la musique d’intervention se positionne sur les grands enjeux politiques de la période révolutionnaire et milite pour une transformation de la réalité portugaise.

Au-delà de leurs textes, ces chanteurs prennent position en tant que citoyens, se mobilisant à de nombreuses reprises en faveur des travailleurs. Zeca Afonso fera ainsi des nombreux concerts pour financer les coopératives agricoles du Ribatejo et de l’Alentejo. Sergio Godinho, de même, composera en l’honneur du mouvement des travailleurs agricoles en lutte. On peut ainsi parler de musiciens engagés dans le processus de transition portugais et prenant une posture de soutien moral mais aussi matériel en faveur de l’autogestion et d’une amélioration du sort des plus défavorisés.

José Afonso représente incontestablement une figure tutélaire de ce mouvement. Grand rénovateur du fado de Coimbra, il s’est orienté avec brio vers une redécouverte du patrimoine musical portugais combinant poésie engagée et sonorités de la musique populaire portugaise. Symboliquement, c’est sa chanson Grândola, vila morena, qui servira de signal d’alarme des opérations militaires du 25 avril. Zeca Afonso y parle d’une ville alentejane où la fraternité règne et dans laquelle c’est « le peuple qui est au pouvoir ». Ces paroles seront celles de l’espoir qu’a fait naître la révolution initiée par le mouvement des sous-officiers. Lire la suite

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